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Celles-ci, combinées avec les ions fer (II) résultant de la corrosion des objets en fer utilisés pour l’assemblage, peuvent précipiter en sulfures de fer (II).
La chimie des sulfures de fer (II) est extrêmement complexe et implique des transformations de phases aussi bien anoxiques (durant l’enfouissement) que contrôlées par l’oxygène (diffusion de l’oxygène dans le système sur site ou après mise au jour) [ ].
Les composés fer/soufre s’avèrent influencer fortement les mécanismes de dégradation du bois comme constaté dans de nombreux vestiges archéologiques, notamment des épaves.
Les dommages post-fouilles des bois archéologiques associés à la formation de sulfures de fer consistent principalement en la précipitation de cristaux volumineux de composés fer/soufre (ex : mélantérite [FeSO _placeholder_formula_ ,7H _placeholder_formula_ O], jarosite [KFe _placeholder_formula_ (OH) _placeholder_formula_ (SO _placeholder_formula_ ]) et en une forte acidité particulièrement néfaste à la résistance du bois qui finit par perdre ses propriétés mécaniques.
Le cas le plus emblématique de cette problématique est celui du Vasa, navire suédois du 17 _placeholder_formula_ siècle [ , ].
Ayant sombré dans le port de Stockholm le jour de son voyage inaugural en 1628, il a été renfloué en 1961 puis a été traité au polyéthylène glycol pendant 17 ans ( _placeholder_formula_ 9 ans de séchage).
Le polyéthylène glycol, couramment utilisé pour la conservation des vestiges archéologiques en bois gorgés d’eau, a pour fonction de maintenir la structure en préservant l’intégrité mécanique du matériau organique [ ].
Venant en remplacement de l’eau, il ne s’agit pas d’un traitement chimique; son action est essentiellement physique.
Malgré cette campagne de traitement de vaste ampleur, le Vasa est à l’heure actuelle en train de s’affaisser sur lui-même dans le musée qui lui est dédié, du fait d’une contamination générale par les composés fer/soufre et d’une extrême acidité du bois.
D’autres épaves historiques sont concernées de la même façon comme le Mary Rose (16 _placeholder_formula_ siècle) ou le Batavia (17 _placeholder_formula_ siècle) [ , , , ].
La pyrite (FeS _placeholder_formula_ et le soufre minéral ( _placeholder_formula_ -S _placeholder_formula_ sont les principaux composés fer/soufre mentionnés dans la littérature sur les bois archéologiques humides [ , , , , , ].
Mais la mackinawite (FeS) et la greigite (Fe _placeholder_formula_ S _placeholder_formula_ ont également été détectées dans des teneurs significatives lors d’une étude que nous avons menée il y a quelques années dans le cadre du programme de recherche PrévArch (2008 _placeholder_formula_ 2010, financement du Ministère de la Culture et de la Communication) en partenariat avec les laboratoires Arc-Nucléart et Arc’Antique [ ].
Le présent article reprend quelques résultats du programme PrévArch afin de les confronter à une étude plus récente menée sur une épave du 4 _placeholder_formula_ siècle.
Cette dernière a été découverte dans ce qui était à l’époque antique l’ensemble portuaire de Narbonne dans le sud de la France.
Le site est maintenant à l’intérieur des terres et le sol est gorgé d’eau.
Une campagne de prospection magnétique réalisée sur le site en 2014 a révélé que le bois était anormalement magnétique.
Il a également été déterminé qu’il ne reste plus de métal dans les clous utilisés pour l’assemblage.
Par conséquent, le signal magnétique a été supposé provenir de produits de corrosion magnétiques ayant diffusé à l’intérieur du bois.
Plusieurs composés contenant du fer comme la magnétite (Fe _placeholder_formula_ O _placeholder_formula_ , la maghémite ( _placeholder_formula_ -Fe _placeholder_formula_ O _placeholder_formula_ , la greigite (Fe _placeholder_formula_ S _placeholder_formula_ , la pyrrhotite (Fe _placeholder_formula_ S) et la smithyte (Fe _placeholder_formula_ S _placeholder_formula_ sont naturellement magnétiques.
Une étude a donc été réalisée afin d’identifier les phases minérales présentes dans le bois, et d’être en mesure d’attribuer le signal magnétique à une ou plusieurs d’entre elles.
Cet article présente les résultats analytiques obtenus par une combinaison de méthodes d’imagerie électronique, d’analyses structurales et élémentaires.
Mais l’originalité de cette démarche est d’utiliser, en outre des méthodes de caractérisation magnétique pour la détection de certains sulfures de fer.
La nature des sulfures de fer obtenus dans les différents vestiges étudiés sera discutée et confrontée aux schémas d’évolution de la mackinawite, considérée comme le premier précipité en cas de biocorrosion.
Un autre enjeu est d’évaluer la pertinence de l’utilisation des méthodes magnétiques pour du diagnostic non destructif. 2 - Matériaux et méthodes 2.1 - Corpus Les travaux présentés dans cet article portent sur un ensemble d’épaves suspectées d’avoir été contaminées par le fer et le soufre.
L’ USS Monitor est un cuirassé américain du 19 _placeholder_formula_ siècle qui a servi durant la guerre de sécession.
Fait de bois (chêne) et d’acier, il a sombré en 1862.
Une partie gît encore au large de la côte Est des États Unis, une autre est conservée en eau au Mariner’s Museum (Newport News, Virginie).
Les conservateurs du Mariner’s Museum nous ont fait parvenir des fragments de ce qui est gardé au musée.
La Natière, dans la baie de St Malo, rassemble deux épaves : l’ Aimable Grenot et La Dauphine, datant du 18 _placeholder_formula_ siècle.
Elles ont été fouillées par le DRASSM pendant dix ans (1999 _placeholder_formula_ 2008) et de nombreux objets ont été remontés.
Parmi les restes sélectionnés pour une restauration, des fragments de bois ont été sacrifiés pour notre étude.
Nous ne savons pas quel fragment provient de l’une ou de l’autre épave.
Nous mentionnerons ces échantillons comme ayant été extraits des «épaves de La Natière».
L’épave dite de Mandirac, se trouve dans un site correspondant aux ports antiques de Narbonne (site de Castelou/Mandirac).
Ce site terrestre a été découvert en 1945 grâce à des photographies aériennes.
En 2007, une étude géophysique a confirmé la présence des restes enfouis d’infrastructures d’un système portuaire fluvio-lagunaire.
Un programme de fouilles lancé en 2010 a mis au jour les restes d’un bateau avec son chargement d’amphores enchâssé dans le quai [ , ].
En fait, le bateau a été délibérément coulé au cours du 4 _placeholder_formula_ siècle, afin de consolider le quai.
Plusieurs indicateurs laissaient, là aussi, supposer la présence de sulfures de fer comme le sol gorgé d’eau, le signal magnétique émis par le bois.
Des concrétions de pyrites étaient même visibles à l’emplacement de restes de clous. 2.2 - Méthodologie analytique Les échantillons extraits de l’ USS Monitor et des épaves de La Natière ont été étudiés lors du projet PrévArc (2008 _placeholder_formula_ 2010).
L’épave de Mandirac a été étudiée plus tard (2015).
La méthodologie analytique a donc évolué entre temps, en ce sens que pour l’étude de l’épave de Mandirac des méthodes de caractérisation magnétique ont été introduites.
Nous regrouperons donc sous l’appellation de «méthodes classiques» la micro-spectroscopie Raman ( _placeholder_formula_ -SR), la microscopie électronique à balayage couplée à la spectroscopie en dispersion d’énergie (MEB/EDS) et la diffraction des rayons X (DRX), comparées aux «méthodes magnétiques», à notre connaissance jamais utilisées dans un tel contexte.
Dans un premier temps, des lamelles fraîchement coupées de l’échantillon d’origine ont été examinées avec un stéréomicroscope (Leica, M165C) pour des observations macroscopiques et pour localiser des zones intéressantes en vue de la micro-analyse.
Les analyses en micro-spectroscopie Raman ont été réalisées avec un spectromètre Jobin Yvon Haute Résolution (HR LabRAM) équipé d’un microscope (Olympus BX41) et d’un objectif _placeholder_formula_ 50.
La puissance du laser a été atténuée pour éviter la transformation par chauffage des phases minérales thermosensibles et les spectres ont été enregistrés à une résolution de 0,2 cm _placeholder_formula_ .
Les échantillons ont été étudiés avec une longueur d’onde d’excitation de 632,82 nm.
Les micrographies électroniques haute résolution et les compositions élémentaires ont été obtenues avec un microscope SEM-FEI, Quanta 200 FEG/ESEM couplé avec un système EDS EDAX Genesis pour la microanalyse X.
Les observations ont été effectuées en mode environnemental, à basse pression (0,002 atm) et avec une tension d’accélération pouvant varier entre 15 et 20 kV.
Ce mode expérimental ne nécessite pas de préparation pour les échantillons non-conducteurs et les échantillons de bois ont été placés encore humides dans la chambre d’analyse.
Les analyses en diffraction des rayons X (DRX) ont été réalisées directement sur le bois.
Pour cela une lamelle fraîchement coupée a été placée dans le porte-échantillon et exposée au faisceau de rayons X.
Selon les épaves, deux diffractomètres différents ont été utilisés.
Les bois de l’ USS Monitor et des épaves de La Natière ont été analysés avec un diffractomètre Bruker AXS _placeholder_formula_ D8 Advanced avec une longueur d’onde _placeholder_formula_ nm.
La vaigre 11 de l’épave de Mandirac a été étudiée avec un diffractomètre INEL EQUINOX 6000 et une longueur d’onde _placeholder_formula_ nm.
Enfin, des mesures de pH ont été effectuées pour chaque échantillon sur une tranche fraîchement coupée encore humide (électrode de surface Sentix Sur WTW).
En outre, pour l’épave de Mandirac, des mesures de susceptibilité magnétique en champ faible ont été effectuées sur des cubes de 8 cm _placeholder_formula_ avec un susceptibilimètre KLY4, Agico.
Puis des courbes d’aimantation rémanente isotherme (IRM) ont été acquises : une première acquisition directe puis une seconde en sens opposé (dite backfield) jusqu’à 3T atteignant la saturation de l’aimantation (générateur de champ à impulsions magnétiques MMPM10 Magnetic Measurements).
L’aimantation résultante à chaque pallier d’aimantation a été mesurée avec un magnétomètre JR6 Agico.
La susceptibilité magnétique présente une large gamme de variation sur trois ordres de grandeur, des valeurs négatives à positives fortes.
Une constante arbitraire de _placeholder_formula_ SI est ajoutée afin de procéder à une transformée en log _placeholder_formula_ .
Cela permet de ne considérer que les composants para- et ferro-magnétiques _placeholder_formula_ en supprimant les composés diamagnétiques, à savoir le bois et l’eau. 2.3 - Sulfures de fer attendus Le tableau regroupe les sulfures de fer présents dans la nature avec l’état d’oxydation du fer et du soufre et leurs propriétés magnétiques respectives.
La magnétite et la maghémite, qui ne sont pas des sulfures, ont été ajoutées à cette liste du fait de leur caractère magnétique.
Notons que dans un contexte de corrosion de métaux ferreux archéologiques, seules la mackinawite, la greigite et la pyrite ont été mentionnées dans la littérature [ , , ].
Toutefois les autres phases ne peuvent être exclues.
Les méthodes magnétiques sont extrêmement sensibles.
Elles peuvent détecter des espèces magnétiques à des teneurs inférieures au ppm et peuvent donc déceler la présence d’espèces non mises en évidence jusque-là par les méthodes classiques. 2.4 - Échantillonnage Les échantillons de l’ USS Monitor et des épaves de La Natière consistaient entre autres, en des fragments de bois gorgés d’eau, de taille variant entre 5 et 10 cm de long, de formes non définies, soit découpés d’un élément plus grand de l’épave soit récupérés tels quels.
Il était très important de conserver ces fragments humides.
Ils nous ont donc été transmis emballés dans du film plastique ou dans des sachets placés dans des boîtes hermétiques remplies d’eau du réseau public de distribution.
Après réception, nous les avons conservés dans leur conditionnement d’origine, au réfrigérateur à 4 _placeholder_formula_ C durant toute la campagne d’analyses.
Les expériences ( _placeholder_formula_ -SR et DRX) ont été réalisées sans protection particulière contre l’air ambiant, sur des petites lamelles découpées au scalpel dont seule la facette interne était présentée au faisceau incident.
Cette découpe était réalisée juste avant l’analyse et renouvelée pour chaque méthode (également en MEB/EDS) de sorte que soit toujours étudiée une surface non exposée à l’air et fraichement découpée.
Cette précaution visait à éviter une oxydation des sulfures de fer par l’oxygène de l’air.
Concernant l’épave de Mandirac, plusieurs planches gorgées d’eau ont été extraites.
Afin de préserver les composés sensibles à l’oxygène, les planches ont été enveloppées dans un film plastique après extraction et congelés à –4 _placeholder_formula_ C au laboratoire jusqu’à l’analyse.
Les résultats présentés dans cet article ont été obtenus sur la planche appelée vaigre 11.
Cette planche était d’environ 80 cm de long, 16,5 cm de large et 2,5 cm d’épaisseur.
Afin de convenir d’un échantillonnage optimisé, une cartographie de susceptibilité magnétique de la planche a été préalablement réalisée, en lignes et en colonnes (susceptibilimètre portable SM-30, ZH instruments) (Fig. ).
Une zone de forte intensité du signal magnétique matérialisée en rouge apparaît sur cette cartographie.
La couleur bleue superposée au reste de la planche ne signifie pas que le bois ne présente pas de signal ferromagnétique mais plutôt qu’il l’est beaucoup moins que la zone rouge.
En effet toute la planche montre des propriétés ferromagnétiques _placeholder_formula_ Ensuite, la planche a été entièrement découpée en cubes de _placeholder_formula_ cm _placeholder_formula_ avec une scie circulaire munie d’une lame à flasque téflon.
Tous les cubes ont été analysés avec les méthodes magnétiques mais seuls treize ont été complètement analysés (méthodes magnétiques _placeholder_formula_ méthodes classiques).
Ceux-ci ont été choisis le long de la ligne e et de la colonne 20 dans le prolongement du point le plus magnétique en position e20.
Les cubes ont été nommés en fonction de leur position ligne-colonne. 3 - Résultats 3.1 - Résultats significatifs du programme PrévArc (2008 _placeholder_formula_ 2010) Les échantillons de l’ USS Monitor et des épaves de La Natière ayant été analysés dans le cadre du programme PrévArc, les résultats ont été déjà publiés [ , ].
Nous reprendrons les plus significatifs pour cet article, à savoir la nature des sulfures de fer mis en évidence à l’intérieur des fragments de bois.
La Figure regroupe les micrographies MEB, les spectres EDS, les spectres _placeholder_formula_ -SR et les diffractogrammes obtenus pour deux fragments différents de l’ USS Monitor (S-0178 et S-0179) et deux fragments différents des épaves de La Natière (2006-189 et 2006-072).
Les micrographies de la Figure , notamment celles concernant les échantillons S-0178 et S-0179, montrent que le bois contient de nombreuses concrétions cristallines.
Celles-ci se distinguent en clair sur les micrographies qui sont représentées en contraste chimique.
La taille des cristaux est de l’ordre de quelques micromètres, voire moins.
Les concrétions sont regroupées dans les canaux conducteurs de la sève, le bois apparaissant en contraste plus foncé, du fait des éléments légers (C, O) qui constituent la matière organique.
Sur la base des analyses EDS, ces concrétions sont riches en soufre et en fer.
Les spectres Raman montrent essentiellement la mackinawite.
Cette phase, de formule Fe _placeholder_formula_ S, a la particularité de posséder trois spectres Raman selon son état cristallin et son état d’oxydation.
Les spectres de la Figure montrent que ces trois spectres caractéristiques ont été obtenus à partir des échantillons analysés, voire se superposent sur le spectre global.
L’association des pics à 208 cm _placeholder_formula_ et 282 cm _placeholder_formula_ est caractéristique de la mackinawite à l’état nanocristallin.
L’association des pics à 208 cm _placeholder_formula_ et 298 cm _placeholder_formula_ est liée à de la mackinawite dite «cristalline» [ , ].
Enfin les pics à 125, 175, 256, 312, 322 cm _placeholder_formula_ et l’épaulement à 355 cm _placeholder_formula_ sont attribués à une forme partiellement oxydée de la mackinawite dans laquelle une faible proportion du fer est ferrique [ , ].
La greigite, caractérisée par l’ensemble de bandes à 188, 250, 350, 365 cm _placeholder_formula_ a été régulièrement mise en évidence [ ].
Il est toutefois difficile d’affirmer si la greigite détectée était initialement présente dans les échantillons ou si elle résulte d’une oxydation de la mackinawite qui se serait produite durant l’analyse ou le transport.
Enfin, des pics ont été attribués au soufre minéral (indexés _placeholder_formula_ -S _placeholder_formula_ sur la Figure ), qui peut également résulter de l’oxydation de la mackinawite [ ].